Les frais de notaire, longtemps restés stables, suscitent l’attention en ce début d’année 2025. En effet, la loi de finances pour 2025 permet aux départements d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux qu’ils perçoivent à chaque vente, ce qui a pour conséquence l’augmentation des fameux « frais de notaire ».
Que sont les « frais de notaire » ?
Les frais de notaire sont les sommes payées par l’acquéreur d’un bien immobilier au moment de la signature de l’acte authentique.
Composition des frais de notaire : Les frais de notaire ne correspondent pas à la seule rémunération du notaire, ils comprennent également la fiscalité générée par la vente ainsi que les débours.
Les taxes et impôts :
A la signature d’un acte de vente, le notaire est chargé de collecter les taxes générées par l’acte qu’il reçoit. Composant une majeure partie des frais de notaire (80%), les taxes suivantes sont ainsi réglées par l’acquéreur, savoir :
- La taxe de publicité foncière : cette taxe regroupe des prélèvements effectués au profit des communes, des départements et de l’État. La commune perçoit une taxe s’élevant à 1,20 % du prix de vente. Les départements quant à eux percevaient antérieurement 4,50% du prix de vente. À la suite de la publication de la loi de finances pour 2025, de nombreux départements ont décidé de procéder à l’augmentation permise par cette loi, passant le taux de 4,50% à 5%. Dans la Manche[1] et le Calvados[2], cette augmentation sera effective au 1er mai prochain. L’État perçoit des frais d’assiette et de recouvrement s’élevant à 2,37% de la taxe perçue par le département. Au total, la taxe de publicité foncière s’élèvera donc à 6,32% du prix de vente.
- La contribution de sécurité immobilière : cette taxe est destinée au service de la publicité foncière et s’élève à 0,1% du prix de vente.
- La taxe sur la valeur ajoutée : Les émoluments du notaire cités ci-après sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A) au taux de 20 %.
Les émoluments du notaire :
Fixés par le Code du commerce, ils comprennent des émoluments proportionnels au prix de vente et des émoluments liés aux formalités effectuées dans le cadre de cette vente (publication de l’acte, archivage de l’acte, demande de documents d’urbanisme, …).
Les débours :
Ils correspondent aux sommes acquittées par le notaire pour le compte de son client et servant à rémunérer les différents intervenants et/ou à payer le coût des différents documents (ex : extrait Kbis, …), ainsi qu’à régler les frais exceptionnels engagés à la demande du client (ex : certains frais de déplacement).
Les raisons ayant incité les conseils départementaux à voter cette hausse
La position du Conseil Départemental de la Manche est la suivante : « Compte tenu de la dynamique de croissance très forte des dépenses transférées (aux Départements) et que partiellement compensées (par l’État), le Département se propose de mobiliser les rares ressources sur lesquelles il dispose d’une latitude de décision ». En effet, d’un côté, les dispositifs d’aide sociale ont été confiés par l’État aux départements avec une compensation apportée par celui-ci représentant tout au plus 50% du coût. De l’autre, en raison de la diminution du nombre de transactions immobilières, les droits de mutation à titre onéreux sont passés de 92 M€ en 2022 à 72 M€ en 2024 et les départements ont également perdu leur part dans l’impôt foncier bâti.
Pour ces raisons, le Département de la Manche a décidé d’élever le taux des droits de mutation à titre onéreux relevant du régime de droit commun à 5% pour la période du 1er mai 2025 au 31 mars 2028. Étant précisé que ce relèvement de taux ne s’appliquera pas aux primo-accédants de leur résidence principale.
La position du Conseil Départemental du Calvados est similaire à celle du Conseil Départemental de la Manche. Pour cette année 2025, le budget du département prévoit une baisse des recettes de fonctionnement de 2,3% (soit 17,3 M€) tandis que les dépenses de fonctionnement sont prévues en hausse de 1,9 % (soit +13,3 M€), notamment en raison de l’augmentation du nombre de bénéficiaires d’allocations sociales.
Le Département du Calvados a donc lui aussi décidé d’activer cette faculté de relever le taux des droits de mutation à titre onéreux à 5% pour la période du 1er mai 2025 au 31 mars 2028. La situation des primo-accédants de leur résidence principale est similaire à ceux du département de la Manche, ils ne se verront pas appliquer ce nouveau taux et resteront soumis au taux de 4,5 %.
Quelles conséquences pour les acquéreurs en viager ?
Bien entendu, les ventes en viager n’échappent pas à cette augmentation s’élevant au total à 0,51185%. En effet, la part de taxe de publicité foncière perçue par l’État (appelée frais d’assiette et de recouvrement) au taux de 2,37% est basée sur la taxe départementale.
Par conséquent, les acquéreurs subiront non seulement une hausse de la taxe départementale de 0,5% mais également une hausse des frais d’assiette et de recouvrement de 0,01185% (0,5 x 2,37%), soit une hausse totale de 0,51185 %.
Il convient ici de rappeler que dans le cadre d’une vente dont le prix est formé par une rente viagère, les droits de mutation à titre onéreux sont établis « sur le capital de la rente exprimé dans l’acte (taxation du prix converti en rentes viagère) ou fixé par une déclaration estimative des parties (prix consistant directement en rente viagère) »[3].
Afin d’illustrer ce que représente cette augmentation pour un acquéreur en viager, prenons les deux exemples suivants :
Cas n°1 : Monsieur et Madame MOULIN, âgés respectivement de 85 ans (Mr) et 82 ans (Mme) sont propriétaires d’une jolie maison sur la commune de Barneville-Carteret. Cette maison est évaluée à 300.000 Euros. Notre couple décide de vendre cette maison en viager occupé.
S’agissant d’un viager occupé, il convient tout d’abord de déterminer la valeur du droit d’usage et d’habitation conservé par le vendeur. En se basant sur le barème Daubry, ce droit est évalué à 41,8% soit 300.000 € x 41,8% = 125.400 €.
Par conséquent, la maison a une valeur occupée de 300.000 € – 125.400 € = 174.600 €.
Cette valeur occupée servant de base pour le calcul des droits de mutation, la hausse subie par les acquéreurs s’élèvera à : 174.600 € x 0,51185% soit 894 €.
Cas n°2 : Monsieur et Madame CHATEAU, âgés respectivement de 79 ans (Mr) et 81 ans (Mme) sont propriétaire d’un grand appartement à Deauville. Cet appartement est évalué à 500.000 Euros. Notre couple décide de vendre cet appartement en viager libre.
S’agissant d’un viager libre, il n’y a pas de droit d’usage et d’habitation au profit du vendeur.
Par conséquent, le montant des droits de mutation est basé sur la valeur vénale de l’appartement.
La hausse subie par les acquéreurs sera donc de 500.000 € x 0,51185% soit 2.559 €.
Aussi relative soit elle, les investisseurs ne manqueront pas de tenir compte de cette hausse lors du calcul des sommes à verser pour le jour de la signature de l’acte de vente. En effet, outre les « frais de notaire », les acquéreurs en viager versent généralement un bouquet au vendeur.
Dans la mesure où les investisseurs prévoient un budget global à verser pour le jour de la vente, cette augmentation pourrait venir impacter le montant du bouquet à verser au vendeur.
Bien entendu, cette augmentation étant relative, elle n’impactera pas fortement l’activité des ventes en viager. Cependant, cette réforme est contraire aux recommandations faites par les notaires en 2023, ces derniers ayant bien compris l’intérêt social que présentent les ventes en viager.
Les pistes d’amélioration envisagées par le 119ème Congrès des Notaires de France
Le 119ème Congrès des Notaires de France qui s’est tenu à Deauville en 2023 était consacré au logement. Au sein du rapport de ce Congrès, une section complète est consacrée à la vente en viager. Le Congrès considère que le viager est une véritable solution de financement des retraites et de la dépendance pour l’État en quête de ressources complémentaires. Afin d’encourager le recours au viager, les notaires estiment qu’il est nécessaire d’en modifier le régime. S’agissant d’un contrat aléatoire, l’aléa ne peut pas être supprimé mais diverses pistes d’amélioration ont été envisagées : la création d’une méthode de calcul uniforme, la mise en place de garanties plus efficaces, l’ouverture au cercle familial et l’instauration d’un régime fiscal de faveur.
Ce dernier point concerne non seulement les vendeurs mais également les acquéreurs. Côté vendeurs, les notaires recommandent de revoir le traitement fiscal de la rente. En effet, le vendeur est assujetti à l’impôt sur le revenu au titre de la rente au fur et à mesure de sa perception. Par comparaison, dans une vente dont le versement du prix est échelonné, le vendeur n’est pas assujetti à l’impôt sur le revenu sur les échéances de paiement mais seulement sur les intérêts stipulés. Dans un souci d’équilibre, il conviendrait donc de revoir le traitement fiscal de la rente.
Côté acquéreurs, les notaires préconisent d’instaurer un régime fiscal de faveur au même titre que les logements neufs mais également la possibilité de déduire de ses revenus les rentes versées, le tout afin d’encourager les investisseurs à se tourner vers ce type de vente.
Cependant, en cette période budgétaire délicate, l’État a opté pour une augmentation directe des recettes publiques en permettant aux départements d’appliquer une hausse des droits de mutation dès le mois d’avril 2025. A l’inverse, réformer la fiscalité de la vente en viager aurait certes pour effet de diminuer directement les recettes liées aux ventes, cependant elle diminuerait indirectement les dépenses liées aux retraites et à la dépendance de nos aînés.
Nous pouvons conclure en citant le rapport du 119ème Congrès : « Si une fiscalité favorable a pour corollaire la multiplication des ventes en viager, l’État sera déchargé d’une partie du financement des retraites et de la dépendance. » ; et en rappelant que les départements sont certes les bénéficiaires de la hausse des droits de mutation lies aux ventes mais ils ont surtout la charge du financement et de la gestion de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) depuis sa création en 2002.
Article rédigé par Corentin DOREY, ancien notaire désormais directeur d’agence Univers Viager dans la Manche et le Calvados.
Cliquez ici pour en savoir plus.
[1] Délibération du Conseil Départemental de la Manche du Vendredi 7 mars 2025.
[2] Délibération du Conseil Départemental du Calvados du Mardi 4 mars 2025.
[3] BOI-ENR-DMTOI-10-10-20-10-20120912, n°60